Des "choses" que certaines personnes sont capables de voir, de ressentir, mais qui ne sont pas du domaine du matériel... Bienvenue dans un monde encore inexplicable scientifiquement. Comme vous pouvez le voir, une fidèle du blog est devenue mon associée : Passiflore ! Nos articles vous plaisent et vous voulez mettre un lien sur votre blog/site ? Merci de nous le faire savoir par courriel.
"Notre royaume est le pays des éléphants, des dromadaires, des chameaux, des panthères, des zèbres, des lions blancs et rouges, des ours blancs, des cigales, des griffons muets, des tigres, des vampires, des hyènes, des chevaux sauvages, des ânes sauvages, des boeufs sauvages, des hommes sauvages, des hommes cornus et n'ayant qu'un oeil, des hommes ayant un oeil devant et un oeil derrière, des centaures, des faunes, des satyres, des pygmées, des géants grands de 40 coudées, des cyclopes et des femmes-cyclopes, de l'oiseau appelé Phényx et de presque toutes les espèces d'animaux qui existent sous le firmament."
C'est dans ce style délirant qu'au XIIe siècle le soi-disant Prêtre Jean décrit son royaume situé quelque part dans les Indes. Qui était ce singulier Prêtre-Roi ? Sa mystérieuse personnalité passionna pendant 3 ou 400 ans la chrétienté européenne. Au XIIe siècle, le nom du Prêtre Jean excite le fol espoir de tous les chrétiens d'Europe, mais dès le XIe et le XIIe siècle, l'illusion sera dissipée et nul n'y songera plus. Aujourd'hui, seuls les historiens et les spécialistes savent encore de quoi il s'agit.
Le Prêtre Jean est pour les neuf dixièmes un mythe et pour le reste un personnage historique. Quant à son royaume, immense bien sûr, puissant au-delà de toute mesure, riche d'inépuisables trésors, ce fut un Eldorado fantastique sans autre support que la rêverie populaire.
Comment cette légende du Prêtre Jean, si curieuse à bien des égards, a-t-elle pu surgir en Occident ? Il suffit pour cela de se rappeler la diffusion et l'importance primitives du christianisme en Asie, aujourd'hui le continent le moins chrétien du monde. Le christianisme prit pied en Asie comme ailleurs, il commença même par s'y développer rapidement, mais il dut ensuite reculer devant la contre-offensive des religions autochtones, si bien qu'il n'en subsista finalement que des îlots restreints en Arménie, en Géorgie et en Syrie, entre autres.
À l'époque où l'Antiquité fait place au Moyen Âge, le christianisme joue un rôle important en Arabie, en Irak, en Perse, en Asie Mineure, qui sont aujourd'hui terres d'islam. Bien plus : il s'en fallut de peu qu'au VIIe siècle la Chine, le plus grand pays d'Asie, ne devînt elle-même chrétienne. Un chrétien de Syrie - à vrai dire un nestorien, c'est-à-dire un hérétique selon l'orthodoxie romaine - vint s'établir dans l'Empire du Milieu, sans doute à l'appel de l'empereur Tai-Tsoung (626-649) alors fort puissant. Il y fut l'objet des plus grands honneurs et l'empereur chinois, dont il avait l'amitié, lui conféra le titre de "grand prêtre et protecteur du peuple". La doctrine chrétienne put ainsi se répandre pendant 200 ans, grâce à la bienveillance de tous les successeurs de Tai-Tsoung. En 781, Adam, "prêtre, évêque et pape de Chine", fit inscrire sur la célèbre pierre gravée nestorienne, découverte en 1625 près de Si-Gan-Fou : "L'empereur a fait élever des églises dans toutes les provinces de son empire" et "chaque ville a son église". Si, en ce temps-là, l'un des empereurs chinois s'était fait baptiser, cet immense pays serait sans doute devenu chrétien dans sa totalité. Mais ce début de prospérité fut anéanti par l'avènement, en 841, de l'empereur xénophobe Wou-Soung, qui, de 843 à 845, ordonna la dissolution de toutes les religions étrangères. Ce qui fut réalisé en très peu de temps.
L'occasion se représenta aux alentours des XIIIe et XIVe siècles : durant la domination mongole, la Chine fut à nouveau tout près de se faire chrétienne. Il y eut même une brève période, de 1310 à 1312, où régna sur la Chine un empereur baptisé, Wou-Tsoung, mais sa mort prématurée ainsi que son comportement personnel rien moins que digne firent une seconde fois avorter la christianisation de la Chine. Jusqu'à la fin de la dynastie mongole en 1368 - où un bouleversement des structures politiques de l'État entraîna une résurrection du nationalisme - le christianisme occupa une position respectée et parfois influente dans l'Empire du Milieu. De 1307 à 1328, Pékin eut son archevêque, Jean de Montevorvino, et le reste du pays ne compta pas moins de 6 sièges épiscopaux.
Il en fut ainsi durant tout le Moyen Âge dans diverses contrées de l'Asie. Longtemps, Jean de Montecorvino n'eut pas de plus fidèle soutien qu'un souverain asiatique. Marco Polo eut connaissance de l'existence de princes chrétiens en Asie centrale. Les tribus mongoles et turques comptèrent plus d'un chrétien parmi leurs chefs de guerre ou leurs classes dirigeantes. À vrai dire, l'appartenance chrétienne n'était le plus souvent qu'un vernis superficiel et il arrivait que bouddhisme et christianisme se confondissent dans l'esprit des croyants. Mais le fait demeure que le nestorianisme connut une grande diffusion sur tout le continent asiatique.
À cette époque-là, parmi les peuplades turques d'Asie centrale, figurent les Kara-Kitai. Leur souverain fut en 1126 un certain Yi-lou-ta-chi qui montra des qualités exceptionnelles de souverain et de chef de guerre. Il aurait été chrétien ainsi que la majorité de ses sujets si l'on en croit les textes arabes du temps, mais sans qu'il soit possible de le vérifier. Le fait est toutefois plausible. Ce Yi-lou-ta-chi se tailla en peu de temps un vaste empire en Asie centrale, après toute une série de campagnes victorieusement menées. Le centre de cet empire fut Bala-Sagoun, au nord de Tienchan. Le Turkestan occidental une fois soumis, Yi-lou-ta-chi marcha avec son armée de 300 000 hommes, dit-on, sur Khovaresmi, l'actuelle Khiva, que les Turcs seldjoukides venaient de conquérir et de convertir à l'islamisme. Les 8 et 9 septembre 1141 eut lieu près de Samarkande l'une des plus grandes batailles de l'histoire de l'islam et les musulmans y furent écrasés. Yi-lou-ta-chi voulut poursuivre sa marche en direction de l'Occident, mais ce projet n'eut pas de suite et l'on ignore pourquoi. Il ne survécut guère à sa victoire : après sa mort, en 1143 ou 1144, son immense empire se dilua en une foule de principautés minuscules.
Mais la nouvelle de la bataille de Samarkande parvint aux chrétiens de Terre Sainte. Les musulmans leur menaient la vie dure, les harcelant dans leur fragile royaume de Jérusalem, dont ils s'efforçaient d'enlever les points d'appui les uns après les autres. Le 25 décembre 1144, Edesse tomba aux mains des Infidèles, grave échec pour les chrétiens. C'est pourquoi la nouvelle d'une terrible défaite infligée à l'islam par un souverain chrétien d'Asie éveilla en eux les plus folles espérances : un allié puissant approchait qui assurerait la victoire des chrétiens sur l'hérésie musulmane. L'évêque de Djibal en Syrie rencontra à Viterbe, le 18 novembre 1145, Otto von Freising, l'un des plus grands chroniqueurs allemands, demi-frère de l'empereur germanique Conrad III. Freising apprit ainsi l'existence d'un roi chrétien inconnu et c'est à cette occasion que, pour la première fois, le nom de Jean, associé au titre de Prêtre et de Roi, entra dans l'histoire. Chrétien certes, on signala toutefois qu'il devait être nestorien. Son empire se situait, disait-on, au-delà de la Perse et de l'Arménie ou plus loin en Orient. Ainsi expliquait-on en Syrie comment, 4 ans après Samarkande, rien n'annonçait encore la venue du Prêtre Jean victorieux.
Richard Hennig, Les grandes énigmes de l'univers (1957)