Des "choses" que certaines personnes sont capables de voir, de ressentir, mais qui ne sont pas du domaine du matériel... Bienvenue dans un monde encore inexplicable scientifiquement. Comme vous pouvez le voir, une fidèle du blog est devenue mon associée : Passiflore ! Nos articles vous plaisent et vous voulez mettre un lien sur votre blog/site ? Merci de nous le faire savoir par courriel.
Au lieu de poursuivre la lutte contre les musulmans, l'armée du prétendu Prêtre Jean envahit la Géorgie chrétienne et la dévasta horriblement. Ce qui eut pour effet d'annuler la promesse d'aide armée que ce pays avait faite aux croisés. Bien au contraire, Ruffudan, reine de Géorgie, appela le pape au secours. Un corps d'armée mongol envahit le sud de la Russie où il remporta une grande victoire le 31 mais 1223, mais il revint sur ses pas et rejoignit le gros de l'armée qui ne s'ébranla que 15 ans plus tard, en 1238, pour inonder la Russie et pousser ses avant-gardes un peu partout en Europe : à Liegnitz (9 avril 1241), aux portes de Wiener Neustadt et sur les rivages de l'Adriatique (1242). Ce Gengis Khan, en qui on avait cru voir le Prêtre Jean, mourut en 1227 et fut l'un des pires fléaux de la chrétienté.
La mort du Grand Khan Occoday, le 11 décembre 1241, eut pour effet de détourner le péril mongol de l'Europe. À partir de cette date, les souverains chrétiens européens s'efforcèrent de nouer avec les Mongols des relations amicales, car le bruit courait que beaucoup d'entre eux étaient chrétiens, en tout cas beaucoup plus tolérants à l'égard du christianisme que les musulmans fanatiques. Le Pape et le roi Saint Louis envoyèrent à plusieurs reprises des ambassadeurs, généralement ecclésiastiques, à la cour du Grand Khan, à Kara-Koroum en Mongolie. Mais leur espoir de convertir les Mongols au christianisme resta vain, ceux-ci ne s'intéressaient guère à la religion. Cependant ces voyages vers la lointaine Mongolie contribuèrent beaucoup à étendre les connaissances géographiques des contemporains. Les excellents récits de voyages d'un Pietro Carpini (1245-47) ou d'un Guillaume von Rubruk (1253-55) comptent parmi les meilleurs ouvrages de géographie écrits au Moyen Âge; ce sont de dignes précurseurs du plus célèbre des voyageurs de l'époque : Marco Polo.
Tous les voyageurs qui se rendirent en Asie au XIIIe siècle considérèrent que leur premier devoir était de chercher le royaume du Prêtre Jean en réunissant sur lui le maximum d'informations. Mais ce fut toujours en vain. Il fut impossible de recueillir autre chose que d'imprécises rumeurs. Pendant un siècle, nombreux furent les voyageurs qui sillonnèrent l'Asie centrale, parfois jusqu'à la mer, et jamais ils ne réussirent à découvrir l'empire prétendument immense du Prêtre Jean. Il fallut bien se résigner : on avait cru à un fantôme. Cet empire fabuleux n'existait ni en Inde ni ailleurs.
Mais la chère illusion ne fut pas abandonnée pour autant. Elle changea simplement de continent. Après 1300, l'opinion se répandit que le véritable royaume du Prêtre Jean se trouvait en Abyssinie. Marco Polo et le dominicain Jordan soutinrent cette hypothèse. L'Abyssinie était alors souvent désignée sous le nom d'Inde africaine et le Prêtre Jean, "roi des Indes", pouvait fort bien y posséder son royaume. Au cours des XIVe et XVe siècles, cette variante africaine de la légende du Prêtre Jean s'accrédita de plus en plus au sein de la chrétienté. L'existence du "Prêtre Jean d'Éthiopie" devint un dogme universellement admis.
On a dit à plusieurs reprises que la lettre envoyée par le Pape au Prêtre Jean en 1177 avait été adressée en réalité au négus d'Abyssinie. Mais c'est là une confusion de plus. Avant le XIVe siècle, le royaume du Prêtre Jean n'a jamais été situé ailleurs qu'en Inde ou dans un pays voisin de l'Inde. L'idée de le situer en Abyssinie est postérieure à 1300, après que toutes les recherches faites en Asie eurent fait chou blanc.
Prendre le négus d'Abyssinie pour le Prêtre Jean n'était cependant qu'une illusion comme toutes les autres. L'aventure d'Henri le Navigateur en est une curieuse illustration : si le grand voyageur portugais entreprit sa célèbre expédition, ce fut avant tout pour amener le souverain chrétien d'Éthiopie à une action militaire commune contre les Turcs. Henri pensait qu'en contournant l'Afrique, dont nul ne soupçonnait l'étendue dans l'hémisphère austral, ses navires aborderaient nécessairement aux rivages abyssins, ce qui permettrait de nouer des relations diplomatiques régulières avec le négus. Il va de soi que la tentative échoua, faute d'une connaissance exacte de la géographie africaine. Ce n'est qu'en 1493, soit 33 ans après la mort d'Henri le Navigateur, que Covilham, autre grand marin portugais, aborda en Abyssinie, et l'ambassadeur de Lima, envoyé par la cour de Lisbonne, lui succéda en 1521. Mais les Portugais constatèrent sans doute que le souverain d'Éthiopie et son royaume différaient assez de l'image qu'on s'en faisait en Occident. Toute aide de sa part contre les Turcs relevait du domaine de la pure rêverie.
Une dernière fois, en 1530, le Pape et l'empereur Charles Quint reçurent des lettres prétendument écrites par le Prêtre Jean et dont l'auteur véritable est aussi resté inconnu. Mais l'illusion s'était dissipée : ni le Pape ni l'empereur n'accordèrent la moindre attention à cette nouvelle mystification. On avait enfin compris que le Prêtre Jean n'était qu'un fantôme et son puissant empire "indien" rien d'autre que le néant. Le Moyen Âge était terminé. La carrière du Prêtre Jean aussi. Les temps modernes commençaient.
Richard Hennig, Les grandes énigmes de l'univers