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Des "choses" que certaines personnes sont capables de voir, de ressentir, mais qui ne sont pas du domaine du matériel... Bienvenue dans un monde encore inexplicable scientifiquement.

Les conditions étranges d'une disparition

 

 La mort d'Alain-Fournier

 

 

 

 

 

 

 

Le 22 septembre 1914, Henri Alban Fournier, 28 ans, lieutenant de la 23e compagnie du 288e régiment d'infanterie, est tué près de Saint-Rémy-la-Calonne, dans le secteur des Eparges, à une quarantaine de kilomètres de Verdun.

 

Ce mort parmi des milliers d'autres a publié moins d'un an auparavant un chef-d'oeuvre, qui est aussi un énorme succès de librairie : Le Grand Meaulnes, signé Alain-Fournier.

 

La guerre continue.

 

On ne peut pas rechercher tous les cadavres, surtout enterrés à la hâte par l'ennemi.

Dans l'immédiat, on n'est d'ailleurs pas certain que l'écrivain soit mort.

L'éditeur Gaston Gallimard reçoit des lettres d'officiers qui le disent blessé et prisonnier en Allemagne.

 

Certains murmurent qu'il a déserté. Sa famille veut espérer. Ce n'est que plus tard qu'il faut se rendre à l'évidence.

 

Et ce n'est que bien plus tard, en novembre 1991, que l'on retrouve le corps d'Alain-Fournier, parmi vingt autres.

Le squelette a un bras derrière la tête, l'autre le long du corps.

Sur les os des avant-bras, deux galons décolorés rappellent son grade.

 

La découverte est due à un habitant de Saint-Rémy-la-Calonne., petit-fils d'un soldat de 1914.

 

Il a suivi des indications de deux enseignants retraités, Michel Algrain, passionné par le Grand Meaulnes et par son auteur, et Claude Régnaut, qui a collationné et traduit les témoignages des soldats allemands engagés dans les combats. 

 

 

Les premières versions

 

Le 22 septembre, Alain-Fournier est revenu à la tête de la 23e compagnie, après avoir été détaché pendant quelques jours à l'état-major.

 

Le capitaine Boubée de Grammmont, qui fait office de commandant, organise une mission de reconnaissance, avec deux compagnies, la 23e et la 22e.

 

Les sentinelles tentent de le dissuader d'aller plus avant.

Il passe outre. La troupe traverse un bois, en colonne par quatre.

A la lisière, cent mètres devant eux, ils voient bondir une silhouette.

Le capitaine refuse de s'arrêter.

 

D'une tranchée bien dissimulée, un tir nourri se déclenche.

Les taillis empêchent toute dispersion. Les officiers se précipitent, revolver au poing.

Ils tombent, avec une vingtaine de leurs hommes. Les autres fuient.

 

Voilà les faits, tels que les reconstitue en 1924 Jacques Rivière, le beau-frère d'Alain-Fournier, son ami depuis 1903, secrétaire de la Nouvelle Revue Française.

 

Le jeune romancier est mort en héros, victime d'une lâche embuscade.

Mais déjà, les témoignages se contredisent : tel a vu le lieutenant s'écrouler, frappé au front ; pour tel autre, il n'était que blessé, il s'est traîné sous un arbre, il a supplié qu'on vienne à son secours ; tel encore précise  qu'il a été emmené par des brancardiers ennemis.

 

Par ailleurs, on ne s'attarde pas sur la personnalité du capitaine, ni sur ses affirmations comme "A ma compagnie on est tous pour mourrir" ; après 1918, il est peu convenable de dénigrer l'armée victorieuse.

  

 

Une histoire quelque peu différente

 

Les choses prennent une autre dimension avec le témoignage, plus tardif, de Zacharie Bacqué, alors sergent dans la 23e compagnie.

Selon lui, la 22e compagnie est tombée sur un convoi sanitaire ennemi, ce qui explique la mention de brancardiers dans les premiers témoignages. Elle tire. Elle fait des prisonniers.

 

D'autres Allemands, à moins de 50 mètres, font alors feu sur la 23e compagnie, celle de Fournier.

La troupe se protège  dans un fossé, le temps de reprendre ses esprits.

 

Le capitaine ordonne de charger, baïonnette au canon, sous les balles qui sifflent.

 

Il donne l'exemple, suivi des deux lieutenants et d'une quarantaine d'hommes, sur les 300 qui sont sous leurs ordres ; la moitié parvient à en échapper, les autres restent.

  

Tirer sur des blessés est un crime de guerre : les survivants français faits prisonniers ont pu être fusillés en représailles, et parmi eux, Alain-Fournier se trouvait peut-être.

   

On comprend que les rescapés, et d'abord tous ceux qui sont restés relativement à l'abri, cherchent à se justifier.

 

Au campement, une version collective de la bataille est élaborée : un traquenard imaginaire, présenté comme particulièrement traître, justifie la fuite.

 

Et la vingtaine de survivants de l'assaut accepte de se taire, par solidarité.

Seul le sergent Bacqué finit par enfreindre la loi du silence.

  

 

Héroïsme ou crime de guerre ?

  

La version de la mort d'Alain-Fournier est pourtant modulée par le récit du lieutenantallemand Egon Nicolai, du 6e grenadier, texte retrouvé par Claude Régnaut.

 

Juste après les faits, cet officier répond davant un tribunal militaire de son pays des représailles effectuées par son unité, après l'attaque d'un groupe d'ambulanciers par des soldats français.

 

Il s'agit bien des 22 et 23e compagnies ; Egon Nicolai a été le dernier à parler avec un officier français gravement blessé.

Celui-ci lui a "demandé de donner de ses nouvelles à une jeune femme d'une famille Perier. Il (lui) a dit qu'elle était de la famille de l'ancien président de la République".

  

Or on sait qu'Alain-Fournier était l'amant de Simone Perier, belle-fille de Jean Casimir-Perier, président de la République de 1894 à 1895.

  

A partir de là, on peut tout imaginer.

 

Que l'auteur du Grand Meaulnes a été massacré par les Allemands à titre de représailles ou qu'il a été mortellement blessé avant l'arrivée des renforts allemands, victime de la folie criminelle d'un capitaine suicidaire.

  

La première hypothèse a été un moment avancée.

Mais l'analyse des corps retrouvés et celles, notamment, du squelette du lieutenant Alban Fournier, la contredisent finalement.

 

Les résultats des autopsies achevées en juin 1992, ont révélé des impacts de balles peu nombreux, ce qui exclut une exécution.

 

Six crânes ont été retrouvés traversés de part en part par une balle : mais non celui d'Alain-Fournier.

 

Encore n'est-ce pas le signe d'une exécution, mais celui du "coup de grâce" donné, comme cela était d'usage, aux soldats agonisants.

 

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